pensé

L’incident est futile (il est toujours futile) mais il va tirer à lui tout mon langage. Je le transforme aussitôt en événement important, pensé par quelque chose qui ressemble au destin. C’est une chape qui tombe sur moi, entraînant tout. Des circonstances innombrables et ténues tissent ainsi le voile noir de la Maya, la tapisserie des illusions, des sens, des mots. Je me mets à classer ce qui m’arrive. L’incident, maintenant, va faire pli, comme le pois sous les vingt matelas de la princesse ; telle une pensée diurne essaimant dans le rêve, il sera l’entrepreneur du discours amoureux, qui va fructifier grâce au capital de l’Imaginaire.

Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Seuil, p. 83.

Élisabeth Mazeron, 9 déc. 2009

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