contenu

Car qu’y a-t-il en dehors des chiens ? Qui d’autre peut-on invoquer dans le vaste monde vide ? Tout le savoir, l’ensemble de toutes les questions et de toutes les réponses est contenu dans les chiens. Si seulement on pouvait rendre ce savoir efficace, si seulement on pouvait l’amener au grand jour, si seulement ils ne savaient pas infiniment plus qu’ils ne l’avouent, qu’ils ne se l’avouent à eux-mêmes ! Même le chien le plus bavard est plus fermé que d’ordinaire les lieux où sont les meilleures nourritures. On tourne autour de son congénère-chien, on écume de désir, on se fouette avec sa propre queue, on interroge, on supplie, on hurle, on mord et on obtient… on obtient ce qu’on eût obtenu aussi sans le moindre effort : on vous écoute avec affection, on se frotte à vous avec amitié, on se flaire avec honnêteté, on s’étreint intimement, mon hurlement et le tien se confondent, tout conspire à l’extase, à l’oubli, à la rencontre ; cela seul nous est refusé, à quoi nous aspirions le plus ; l’aveu de ce qu’on sait est refusé, à quoi nous aspirions le plus : l’aveu de ce qu’on sait.

Franz Kafka, « Les recherches d’un chien », Œuvres complètes (2), Gallimard, pp. 686-687.

David Farreny, 27 déc. 2011

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer