La seule sérénité à laquelle il goûtait par intermittence lui venait du marasme de ses organes. « Nous appelons sagesse la difficulté de nos humeurs, le dégoût des choses présentes. » Mais, en même temps, le souvenir des « réjouissances » à jamais perdues le hantait et le torturait. Puisque la vie lui réservait davantage de déplaisirs que de plaisirs, il tâchait de se résigner à la perspective d’une fin proche. Jadis, même loin « des faubourgs de la vieillesse », pas un jour ne passait sans qu’il ne pensât déjà au dernier moment. En atteignant la cinquantaine, sa « préméditation » du « maître jour » devenait une méditation de chaque instant. Il ne songeait plus à la mort elle-même, mais au « mourir ». Même s’il aimait relire les textes antiques relatant le départ délibéré de grands hommes comme Socrate, Caton ou Pétrone, ils ne l’incitaient pas à « déloger » de même. Il n’en avait pas le courage. Certes, de toutes les morts, la « plus volontaire » lui semblait la plus belle et la plus digne. Mais loin de lui l’idée de faire du suicide un sacrement. C’était une « sortie raisonnable » qu’il laissait aux autres. Voilà pourquoi, concernant sa mort, il s’en remettait à la nature, espérant qu’à mesure où elle lui ôtait sa vitalité, elle lui ferait désirer froidement l’ultime passage du « mal-être au non-être » ; ou bien, plus bienveillante encore, qu’elle le surprendrait en train de planter ses choux. Ce n’était donc pas la philosophie qui lui apprenait à mourir, mais l’approche de la mon qui lui apprenait à philosopher. Piètre consolation.