conversation

Ce qui ne veut pas dire que Montaigne n’aime pas à s’entretenir aussi avec les jeunes femmes. S’il les apprécie pour leurs « grâces corporelles », qu’il ne dédaigne jamais quand elles les lui offrent, il les recherche aussi pour les « grâces de leur esprit » auxquelles, en homme de la Renaissance, il prête une vertu civilisatrice. Certes, il en connaît qui font parade de leur caquet et d’autres qui ne se livrent « que d’une fesse » ; mais, en général, il les trouve « belles et honnêtes ». Or, justement, pour Montaigne, civilité oblige, on ne parle pas avec une jeune femme comme on parle avec un homme. Avec elle, on évite, comme on dit, les sujets qui fâchent, pour n’aborder que les sujets qui rapprochent. Néanmoins c’est un commerce où il se tient un peu sur ses gardes. Parce qu’il peut se changer en un corps contre corps, un tête-à-tête exclut la gravité de la passion comme le sérieux doctrinal. Tout l’art du gentilhomme est de faire glisser une demoiselle ayant le sens de la conversation vers la conversation des sens. Flirter n’est pas débattre.

Frédéric Schiffter, « 6 », Philosophie sentimentale, Flammarion.

David Farreny, 25 juin 2024

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