reconnaissance

Tel est le désir, un besoin maladif qui ne s’éprouve pas comme un manque biologique interne, mais comme un vide biographique intime. Même s’il se rue sur quantité de choses matérielles, nulle d’entre elles ne l’intéresse, sauf si elle possède pour les autres désirs une valeur sociale emblématique dont il pourra alors se remplir un temps, mais un temps bien bref. Si, pour Freud, l’observation des sociétés primitives révèle un trait anthropologique fondamental, c’est précisément le même que l’on retrouve dans les sociétés civilisées : le besoin des individus d’exister aux yeux des autres alors même que les problèmes de survie y sont réglés et les positions de pouvoir réparties. Afin d’éviter ou de différer le carnage, les désirs sont contraints de se jouer la comédie de la reconnaissance réciproque en établissant un système d’échange d’objets, de titres, voire de discours, valorisants pour les ego — reconduisant et attisant par là même les rivalités narcissiques. Bon sauvage ou civilisé décadent, l’humain ne transige pas quant à son amour-propre.

Frédéric Schiffter, « 8 », Philosophie sentimentale, Flammarion.

David Farreny, 25 juin 2024

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