mariage

Au bout d’un an, sa femme souffrait déjà de la solitude du mariage. Il m’a dit : « Insensiblement, sans m’en apercevoir, j’ai laissé s’user et se rompre tous les fils qui m’attachaient à une compagne que j’ai aimée, qui est jolie et qui vaut beaucoup mieux que la grande majorité des femmes. Nous avons peu à peu perdu l’habitude de l’intimité et des paroles tendres. Aujourd’hui, je vois le mal que j’ai fait sans méchanceté : ma compagne est seule depuis vingt-cinq ans. Mais c’est trop tard. Je voudrais lui dire que je pense d’elle un bien immense ; et cela m’est impossible. Mes gestes affectueux d’autrefois seraient tellement insolites, tellement nouveaux, que la timidité me paralyse. Et puis, mon devoir de mari n’est peut-être plus, dans mon esprit, qu’une notion morale. Sous la cendre, les feux finissent par s’éteindre.

« Nous vivons ensemble sans nous dire les choses auxquelles nous pensons constamment l’un et l’autre. Elle ne se plaint jamais ; mais sa présence est pour moi un reproche. Et maintenant parce que je souffre comme elle de cette vie muette, je me sauve chaque jour et je vais demander les apparences de la tendresse à la demoiselle qui me sert mes tasses de thé et mon porto. Le mariage peut être une chose atroce. »

Henri Roorda, « C'est une mauvaise action », Mon suicide, Allia.

David Farreny, 26 oct. 2024

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