Lors de ma conférence, je ne me suis pas fait des amis. Ou plutôt des amies. Tant que j’exposai les sagesses des stoïciens et des épicuriens, je voyais des hochements de tête approbatifs dans le public. Dès que, approchant la fin de la péroraison, j’introduisis l’idée que les sagesses étaient des utopies portatives à usage narcissique, je constatai des renfrognements et, même, chez certaines auditrices, des grimaces d’indignation. Au moment des questions posées au conférencier, j’eus droit à des récriminations. Ainsi, nul ne pourrait vaincre les angoisses liées à sa condition de pantin s’agitant dans le hasard, le temps et la mort ? Nul ne parviendrait jamais à être le législateur de sa cité intérieure ? Nul ne réussirait à agir telle une providence pour lui-même ? Que faisais-je de l’ascèse et des exercices spirituels — du travail sur soi et de la méditation, comme disent ces dames ? Que je n’eusse aucune foi en Dieu, soit. Mais que j’affichasse une telle incrédulité à l’égard de l’homme, de la puissance de son âme, de sa conscience, de sa volonté, etc., c’en était trop. Ces dames avaient devant elles un philosophe sans aucune qualité. Elles avaient raison. Je ne pus rien rétorquer qui rectifiât ou adoucît mon scepticisme. Le conseil de prudence que je donnerai à un esprit tenté par le doute, mais soucieux de plaire au public, est de ne jamais dire avec franchise que la sagesse n’est qu’un asile de l’illusion.