chatoiement

Le jardin attenant est désert. Quelques Bâlois sont allongés au soleil, au bord de l’eau, en maillot de bain. Et je pense, suivant un moment le quai, à quelqu’un qui sans doute est en train de marcher pareillement le long d’un fleuve, dans Espalion, Villeneuve-sur-Lot ou Castres ; à toutes ces villes assoupies, tranquilles, de part et d’autre de leurs ponts, le long de leurs paisibles rivières ; à la province le dimanche ; à la profondeur effrayante de l’ordinaire ; au chatoiement sans limites du quotidien ; à l’excitant vertige de l’inexceptionnel (souvenirs de jours de juillet écrasés de chaleur, à Clermont-Ferrand, sur les boulevards extérieurs, boulevard Lavoisier, boulevard Duclaux, boulevard Cotte-Blatin, c. 1962, quand toujours un camarade de classe qu’on aimait est parti pour les vacances et que tout paraît si terriblement normal, ordinaire, éternel, sans limites, à la façon des énormes étés d’alors, dont on ne voyait pas l’autre rive ; et le boulevard Duclaux tournait autour de Reggio d’Émilie, de Badajoz, de Vesoul, de villes plus ordinaires encore, dont on ne connaissait même pas les noms…).

Renaud Camus, « dimanche 20 juin 1976 », Journal de « Travers » (1), Fayard, p. 590.

David Farreny, 28 sept. 2007

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