Plus je lis de ces livres intéressants mais pas déterminants, plus me hante cette nécessité d’une frappe verbale exacte. Gifle ou caresse, mais précise, exactement mesurée, impeccablement juste.
Buter sur une limite, de tête, de cœur, de main, de temps… Toujours revenir à ce constat simple : la vie devrait être un continuel élan libre, et elle est perpétuellement restreinte, tenue à l’étroit par le réel, brimée, voire interdite. Tout rabattre à ras, dès lors, revient à maintenir possible un bonheur nain.
Si la poésie n’était pas aussi exigeante vis-à-vis de son lecteur, le genre serait sans doute aussi « à la mode » que le roman ou la chanson. La poésie, même simple d’accès, citons Prévert, Sacré, Follain, Maulpoix, Rouzeau… demande un effort, un certain engagement de soi. Elle n’est pas divertissement, elle ramène par des pentes diverses au cratère d’être là. La poésie dit : qui veut aller là ? Et commencent les évitements polis et les bonnes excuses pour ne pas. Si la poésie n’est pas une machine de guerre, elle est un formidable accélérateur de conscience. Qu’est-ce que cela veut dire d’être là, maintenant, exister ? Et le poème ne répond pas à cette question, il l’acidifie.
Pas d’angoisse du temps dans la cloche de Saint-Joseph : elle sonne ses heures lentement, dignement, mécaniquement, comme elle l’a toujours fait depuis qu’elle est cloche dans cet Anjou qui ne les a pas fait taire, même la nuit. Reste rural d’un temps où tout le monde n’avait pas de montre ? Reste baudelairien, en tout cas, sur le plan sonore, alors que la ville a changé « plus vite que le cœur d’un mortel ».