« Je vis à fond l’instant passé. » (É.C.)
« Svelvik, Vestfold, mercredi 18 juillet 2012, onze heures du soir. À peine atteint Gardermoen et la Norvège qu'une euphorie brutale a fondu sur moi, humeur descendue de l'âme, anticipée, inexplicable. Oint de pied en cap — pas un atome pour échapper à l'enrobage. J'ai reconnu le ciel, la conformation et les signes du pays. L'aérogare était bondée ; nous avons pu nous en extraire vers six heures et prendre aussitôt la route.
De Drammen et du Buskerud nous n'avons presque rien vu, pressés par la fatigue et le règlement de rejoindre la hytte louée à Svelvik, dans le Vestfold, là où les comtés se rencontrent. Le soir était clair. En bordure du chemin, à l'entrée du domaine, des familles éparses, penchées sur un champ, qui remplissaient dans l'heure tardive des paniers de fraises. Mais quelle peut être ici, l’été, une heure tardive ?
Comme j’écris ceci, le jour sur les eaux du Drammensfjord ne veut pas s'éteindre, quand c’est nous qui sombrons, usés par le transport aérien.
De Drammen pourtant nous avons vu quelque chose. C’était au croisement des voies, avant d’obliquer sur Svelviksveien : un supermarché. É. a disparu derrière la vitrine criarde. Resté au volant de la voiture, veillant sur les bagages, j'aurais cru n'attendre rien de Drammen, mais la possession opérait toujours. J’ai pris une image.
Notre maison est posée sur un gros rocher rond. En contrebas évoluent de petits bateaux à voile. É. est partie à la douche avec une pièce de monnaie trouée. »
(Journal factice écrit après coup)